Comme on l’a vu dans cet article précédent, une des utilisations principales des EQ en mixage est la constitution d’un bon équilibre fréquentiel (ou balance tonale) de la musique.
Cette balance tonale fait référence à la répartition de l’énergie fréquentielle sur tout le long du spectre audible. Elle est souvent le principal responsable des mixages qui changent radicalement suivant différents environnements d’écoute (par exemple, un mixage sonne bien en studio, mais pas sur une autoradio).
Un exemple classique de mixage présentant une balance tonale médiocre est le fait de ne pas entendre les voix, de sorte qu’en augmentant le volume, ce sont alors les basses qui deviennent écrasantes.
Comment puis-je savoir si mon mixage est bien équilibré en fréquence?
C’est probablement la question que la plupart des musiciens ou ingénieurs du son se sont déjà posée, sans forcément utiliser les mêmes mots.
Là encore, il est difficile de définir ce qu’est une bonne balance tonale. Celle-ci a évoluée, notamment dû à la technologie du son disponible aux différentes époques et au genre musical. De ce point de vue, il n’est pas question de juger qu’elle est la moins bonne ou la meilleure car cela revêt purement du subjectif. Pour toute une époque ou genre donné, nos oreilles et notre cerveau s’habituent très vite à une certaine « couleur » sonore.
On voit bien le « roll off » dans les extrêmes basses et aiguës pour un morceau de Jazz des années 30 (« In the Mood »).
Pour les deux autres, l’arrivée du CD et du digital a permis l’apparition d’extrêmes basses. L’amélioration constante des EQ digitaux permit également la présence d’extrêmes aigües.
On peut remarquer cependant la chute dans les aiguës pour « Seven Nation Army » ce qui est dû au style Rock recherché, contrairement au style électro de Daft Punk.
Bien qu’il n’y ait peut-être pas de référence absolue, le temps montre que les producteurs chevronnés ont une conception sans hésitation de l’équilibre en fréquences. De plus, si quelques ingénieurs écoutaient un mixage inhabituel dans la même pièce, leurs opinions seraient remarquablement similaires. C’est pourquoi, sur un point de vue plus technique, il est possible de définir une balance tonale objective, tenant compte de la bonne répartition des instruments entre graves et aiguës.
L'équilibre objectif entre graves et aigües
Dans la musique moderne, la clé pour obtenir un mixage plaisant est un équilibre homogène des fréquences sur toute la largeur du spectre. La bonne balance tonale d’un morceau doit donc toujours respecter l’équilibre entre fréquences basses et aiguës.
Loi des 400 000
Pour cela, on peut toujours s’appuyer sur une règle simple, à la base de la conception d’enceintes acoustiques: la loi des 400 000.
Par exemple, 20 Hz a autant de poids que 20 000 Hz: 20*20 000 = 400 000.
Ou encore, 40 Hz et 10 000 Hz, 100 Hz et 4000 Hz, etc…
Bien que simple en théorie, c’est souvent un défi à relever, car nos oreilles ne perçoivent pas toutes les fréquences de la même manière, en particulier dans les médiums les plus élevés (entre 2500 et 5000 Hz), où nous sommes le plus sensibles (→ voir l’article à ce sujet sur les courbes isosoniques).
EQ "Smiley"
C’est la raison principale de cette courbure d’EQ sous forme de « smiley » couramment utilisée. Les médiums y sont creusées, au profit d’un boost dans les basses et hautes fréquences.
En effet, à faible niveau, une importante augmentation des basses et des aiguës rendra un mixage à priori plus équilibré et consistant. Mais faire ceci peut avoir un impact négatif sur la plage dynamique et même introduire de la distorsion. Un cas classique du phénomène « plus c’est fort, mieux c’est ».
Le domaine sensible des extrêmes graves et aiguës
Les problèmes les plus courants liés à l’équilibre des fréquences concernent les extrêmes.
Un mixage est dit « boomy » s’il y a un excès de contenu à basse fréquence et mince/trop léger s’il y a une carence.
Du côté des hautes fréquences, le mixage est terne s’il n’y en a pas assez, et agressif s’il y en a trop. De nombreux débutants proposent des mixages présentant ces problèmes. Cela s’explique en grande partie à cause de leur système d’écoute à l’acoustique altérée, ainsi que leur manque d’expérience dans l’évaluation de ces bandes de fréquences.
Pour remédier à ces problèmes, plusieurs solutions existent. D’abord, une bonne nuit de sommeil permet de réinitialiser notre capacité d’écoute avec des oreilles fraîches. Puis, une comparaison avec une piste de référence est incontournable.
Les problèmes liés aux hautes fréquences
En règle générale, un plus grand contenu en hautes fréquences améliore la définition d’un instrument et le rend plus agréable à l’oreille. Mais le piège est alors d’être tenté de tout augmenter dans les extrêmes hautes fréquences. C’est en devient alors contre-productif avec pour résultat un mixage trop dominant dans les aigües.
Ce n’est d’ailleurs pas toujours le traitement EQ qui est en cause: la distorsion et autre plugin d’amélioration (« exciter », « enhancer ») ajoute également du contenu haute fréquence.
Enfin, trop de zèle dans les hautes fréquences en mixage va poser problème lors de la phase du Mastering. En effet, c’est toujours mieux de se donner une marge de manoeuvre dans cette zone fréquentielle à des fins d’améliorations en mastering (même idée que se laisser du « headroom » en niveau des pics). Un mixage légèrement terne est alors facilement corrigé en mastering. Alors qu’un mixage agressif en aigües peut être atténué, mais bloque en même temps certaines opportunités d’amélioration.
Les problèmes liés aux basses fréquences
Les problèmes de basses fréquences sont également très fréquents en raison de la diversité des systèmes d’écoute et leur précision limitée dans la reproduction des basses fréquences (comme dans la plupart des home studios). Pour cette raison même, les basses fréquences sont généralement les plus difficiles à stabiliser et il convient toujours de prêter attention à cette plage lorsque tu compares un mixage sur différents systèmes d’écoute.
Il est en général plus courant de réaliser un mixage avec un contenu basses fréquences non contrôlé en excès plutôt qu’un manque.
L’autre bande de fréquences problématique est celle des bas médiums. La plupart des instruments ont leurs fondamentales dans cette zone. La séparation et la définition (voir ci-après) des éléments du mixage dépendent en grande partie du travail effectué dans cette zone, qui peut très souvent être encombrée de contenu non essentiel.
Exemples sonores
Les exemples suivants montrent le changement de balance tonale avec les fréquences extrêmes en excès ou en manque de manière volontairement exagérée.
Balance tonale dans la répartition des instruments
Une question primordiale à se poser en début de mixage est de savoir quel élément contribue à quelle partie du spectre?
EQ et pouvoir de séparation
Dans notre perception, nous voulons que chaque instrument ait une position et une taille définies sur le spectre fréquentiel. C’est toujours un bon signe si nous pouvons dire que, par exemple, la basse est l’élément le plus bas, suivie du kick, puis du piano, de la caisse claire, de la voix, de la guitare et des cymbales. L’ordre importe moins, l’important est que nous puissions séparer un instrument d’un autre.
Ensuite, nous pouvons essayer de voir s’il existe des zones vides: existe-t-il une zone de transition en douceur entre les voix et les hi-hats? ou sont-elles bien espacées les unes des autres? Comme le montre la figure dans cet article (§3- remédier au masquage), ce type d’évaluation est plutôt abstrait.
En pratique, les instruments peuvent couvrir la majorité du spectre fréquentiel. Mais nous pouvons toujours savoir si les instruments se chevauchent et s’il existe des zones de fréquence vides.
Exemple
En désactivant kick et basses, qui fournissent la majeure partie du contenu basse fréquence, on fait perdre au mixage toute sa puissance. Sur la base du postulat que les éléments percussifs influent beaucoup moins qu’un instrument soutenu, ce sont surtout les éléments de basses dont dépend le contenu dans le bas du spectre.
Cependant, nos oreilles ne sont peut-être pas très pointilleuses lorsqu’il s’agit de petites absences de certaines gammes de fréquences: un hi-hat peut sembler remplir la gamme des hautes fréquences, même lorsqu’il est joué lentement.
Conclusion
Tu l’auras compris, la clé pour une balance tonale réussie est le bon équilibre entre extrêmes graves et extrêmes aigües. Dans l’idéal, il te faudra un système d’écoute le plus neutre et le plus étendu possible en fréquence.
En parallèle, l’expérience acquise de l’écoute et des comparaisons t’aideront à faire les bons choix en terme de traitement EQ. Etre en phase avec les dernières tendances de son style musical implique l’écoute permanente d’une liste de références que tu te seras concoctée.
En cela, le DJing est une très bonne école pour apprendre à équilibrer sa musique. Une partie intégrante du travail de DJ consiste en effet à rendre un morceau similaire en tonalité par rapport au précédent.
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