Compression dynamique (2): Le Make-Up gain

Compresseur MJUC et Make-up gain

Dans l’article précédent, on a vu que l’action de compresser réduit la dynamique en réduisant les niveaux forts. Cette action entraîne logiquement une baisse du volume perçu (loudness). Heureusement, tout compresseur fournit un moyen de redresser le volume en sortie. La plupart du temps, cela se fait simplement grâce à un contrôle de gain, souvent nommé le make-up gain (rien à voir avec le maquillage, hein?), ou plus simplement « Output gain ».

Derrière ce contrôle du gain, trivial en apparence, se cache pourtant l’un des pièges les plus redoutables à l’apprentissage de la compression. Après la réduction de gain, l’utilisation du make-up gain est le deuxième aspect fondamental à comprendre dans l’utilisation d’un compresseur par un débutant.

Explications:

Courbes de Fletcher & Munson et la perception du loudness

Dans tes premières expériences avec la compression, tu as sans doute déjà constaté les bienfaits du compresseur sans trop savoir ce que tu faisais. Il est en effet assez facile d’améliorer le ressenti sonore par le simple fait d’insérer un compresseur dans la chaîne du signal audio (et en le réglant vite fait).

Mais sais-tu réellement pourquoi? Es-tu sûr d’avoir vraiment apporter un plus à ton audio par la simple action du compresseur?

Pour illustrer cet aspect, faisons un petit test d’écoute (avec un bon système d’écoute si possible).

Écoutes bien l’extrait musical suivant:

Et maintenant, écoutes exactement le même extrait dans lequel j’ai changé une seule chose:

Alors, lequel sonne le mieux? Il y a de grandes chances que tu me répondes le deuxième, n’est-ce pas?

A ton avis, qu’est-ce que j’ai changé entre les deux? Indice: Ce n’est pas de la compression!

Oui, tu vas me dire le deuxième est plus fort. Effectivement, j’ai simplement baissé le gain du premier de 6 dB, rien de plus!

Super! Mais qu'est-ce que tout cela prouve?

Et bien tout simplement qu’on a tous une tendance naturelle à ressentir le son meilleur quand il est plus fort.

Rappelles-toi que cette tendance naturelle a été démontrée par les courbes de Fletcher & Munson (voir l’article sur la perception du loudness). Je t’invite à (re)lire cet article car tout y est expliqué, avec même d’autres exemples sonores.

courbes d'isosonie de sensation du loudness
Courbes isosoniques (equal loudness contour ou Fletcher & Munson) qui montrent que nos oreilles ont besoin d'un volume sonore plus élevé pour percevoir les fréquences aux extrêmes (basses et aigües) avec la même intensité que les médiums.

Pour résumer rapidement, notre oreille ressent mieux les fréquences extrêmes (basses et aiguës) à des volumes plus élevés. Ainsi, dans le deuxième extrait, on perçoit un peu mieux la basse. Mais aussi l’attaque du Kick ou le punch de la snare s’accentuent (et les oiseaux dans l’arrière-plan aussi).

OK, mais quel rapport avec la compression?

C’est là le piège du make-up gain! On aura naturellement tendance à trop en remettre parce que c’est mieux plus fort. Un débutant tombe toujours les yeux fermés dans cet écueil, en pensant que la compression appliquée flatte bien le son. En réalité, il se pourrait même qu’au contraire la compression appliquée ait détruit toute dynamique musicale. Mais l’augmentation du loudness par un excès de zèle sur le make-up gain trompe le débutant dans son appréciation de la qualité sonore.

Retiens bien cela: La musique sonne souvent mieux plus fort, mais ça ne t’aidera jamais à mieux te servir d’un compresseur!

Conseil pro dans l'utilisation d'un compresseur: Eviter l'écueil du "plus c'est fort, mieux c'est"

Je reconnais qu’il est souvent difficile d’éviter cet écueil, même pour les plus expérimentés d’entre nous. Une fois qu’on écoute à plus fort niveau, il est très frustrant de revenir à un niveau inférieur après. Pourtant, lors de la compression, la sensation sonore notamment dans le bas du spectre (contenu en basse, fat, sustain) ou le haut (contenu en brillance, punch, attack, niveau de profondeur) est rapidement biaisée par une augmentation du volume sonore.

Il est primordial de respecter un niveau perçu constant pour apprendre à écouter (« ear training ») le « son » du compresseur et ses effets subtils sur la dynamique indépendamment des effets du loudness. Un mixeur pro a bien conscience de cela et de l’intérêt d’écouter régulièrement à différents niveaux d’écoute (à l’étape du mixage, pas du mastering).

Bien entendu, on peut vouloir augmenter intentionnellement le loudness en réduisant la dynamique grâce au compresseur. Mais il ne faut jamais oublier que l’essentiel des ajustements en loudness se fera à l’étape finale du mastering.

Une habitude à prendre: le make-up gain compensé ou "level match"

Comment alors procéder en pratique pour respecter un loudness constant pendant la compression? C’est la technique du « level-match », c’est-à-dire un réglage du make-up gain qui compense exactement la réduction de gain initiale (pas plus ni moins).

C’est en fait le même principe à appliquer dès lors qu’on insère un plugin/processeur dans la chaîne de traitement audio. J’en avais déjà parlé dans le cas des EQ par exemple: voir le point 6) de cet article (équivalence de niveau avant/après traitement).

En pratique: faire une comparaison A/B à l'oreille

Pour bien faire, il faut toujours vérifier l’éventuelle variation de loudness causée par le compresseur en comparant coup sur coup l’écoute avec le compresseur actif puis en le désactivant (« bypass »).

C’est ce que l’on nomme « faire une comparaison A/B » (entre deux états différents: A: activation/B: désactivation du compresseur dans notre cas).

Lors de cette écoute comparative, et selon le syndrome du « plus c’est fort, mieux c’est », il est probable que la version compressée soit moins impressionnante en raison de la baisse du volume. On ajuste alors le make-up gain de sorte que le volume du signal perçu reste constant (avec le compresseur actif ou non). De cette façon, toute comparaison effectuée est juste et indépendante des variations de volume.

Si on veut être précis, il est toujours possible d’insérer un indicateur LUFS avant et après la chaîne de traitement pour lire exactement l’écart en dB à combler. Mais dans la pratique en mixage, je conseille de pas se prendre la tête avec ça et de le faire à l’oreille. L’usage d’indicateurs LUFS est surtout utile en Mastering.

Le piège du make-up gain automatique (ou "Auto gain")

Certains plugins de compression ont l’option d’un réglage de make-up gain automatique (parfois aussi appelé « Auto Gain »). C’est-à-dire que la compensation en gain se fera automatiquement suivant tes ajustements de réglages du compresseur (seuil, ratio, release, …), sans avoir à retoucher le gain en sortie en permanence.

Mais contrairement à ce que je préconisais dans le cas des EQ (voir à nouveau l’article sur les bonnes pratiques, point n°6), je ne recommande pas d’activer cette option dans le cas de la compression.

Je m’explique:

En apparence, ce contrôle est le bienvenu pour un débutant qui peut se concentrer sur les réglages de son compresseur sans se prendre la tête avec les changements de loudness.

Ableton compressor make up gain automatique
Sur le compresseur d'Ableton Live, le gain en sortie se règle sur le niveau de l'Output (Out). Mais on a aussi la possibilité d'un make-up automatique en cliquant sur "Makeup".

Mais par expérience, le make-up gain automatique produit presque toujours un volume perçu plus fort que sans compression ce qui, de nouveau, trompe l’utilisateur inexpérimenté.

Pourquoi donc?

Les compresseurs avec make-up gain automatique calculent la quantité de gain requise pour niveler les signaux d’entrée et de sortie en fonction de divers paramètres tels que le seuil et le ratio.

Le make-up gain automatique est indépendant du signal d’entrée et ne varie que lorsque les commandes du compresseur sont ajustées. Sans doute, il n’y a aucun moyen qu’un make-up gain automatique corresponde parfaitement à la dynamique de tous les instruments et aux niveaux possibles auxquels ils ont été enregistrés.

Si on veut être cynique, on peut aussi penser qu’une telle augmentation du volume est un argument de vente lors des démonstrations du plug-in par ses fabricants…

Make up gain automatique sur le compresseur de logic pro
Illustration du make up gain automatique

Exemple de l’option d’Auto Gain sur le compresseur de Logic Pro (à gauche) et sur le Fabfilter Pro-C (à droite).

Heureusement, cette option de make-up automatique peut être activée ou désactivée. Si elle est désactivée ou inexistante, l’utilisateur peut alors ajuster lui-même le make-up gain comme bon lui semble. C’est ce que je préconise de faire la plupart du temps.

Ce contrôle supplémentaire semblait être une bonne idée pour faciliter le processus de réglage du compresseur. Partant d’une bonne intention, il se révèle malheureusement comme une nouvelle embûche dans l’apprentissage à la bonne utilisation d’un compresseur.

Conclusion

Le compresseur est un outil particulièrement difficile à appréhender. Apprendre à s’en servir convenablement et de manière intentionnelle requiert du temps et de l’expérience.

On a vu pour l’instant qu’un compresseur est utile pour réduire la plage dynamique globale en agissant sur les réglages de seuil et de ratio. Puis la diminution du volume perçu qui s’ensuit se compense par le réglage du make-up gain. Bien comprendre et maîtriser ces deux aspects et tu auras déjà fait un grand pas en avant dans l’apprentissage de la compression audio.

Réduire la dynamique pour augmenter le loudness sans saturer est certes une application classique du compresseur. Mais si on n’y fait pas attention, un compresseur peut aussi facilement ruiner une prise audio. En écrasant la dynamique, on peut vite réduire à néant tout l’aspect vivant et émotionnel d’une musique.

Et un compresseur, ça ne sert pas seulement à augmenter le loudness, loin de là! Au prochain article, j’aborderai concrètement les diverses applications du compresseur sur la musique. Nous verrons les nombreux avantages à modifier la dynamique de l’audio, dans la recherche d’un équilibre d’une part, et d’une certaine « couleur » sonore ou timbre d’autre part.

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