Tour d’horizon et fonctionnement des processeurs de dynamique

Processeur de la dynamique (Ableton Multiband Dynamics)

Compresseur, Expandeur, Limiteur, Gate ou encore Ducker ont tous en commun de faire parti de la même famille des processeurs de dynamique.

Mais qu’ont-ils en commun et qu’est-ce qui les différencie? Voici donc un tour d’horizon de ces outils particulièrement prisés, autant dans la création sonore que dans le processing en post-production musicale (mixage et mastering).

Modifier la plage dynamique

Pour bien comprendre l’intérêt de ces outils, il est nécessaire de rappeler ce qu’est la dynamique du son. Je te renvois pour cela à la série d’articles concernant la gestion des niveaux sonores, ainsi que l’article précédent sur l’équilibre dynamique dans la musique.

Rappel sur la plage dynamique

Reprenons l’exemple d’un morceau orchestral de musique classique. Ce type de musique est très dynamique: du plus faible coup sur un triangle à 10 dBSPL jusqu’au moment où l’orchestre entier joue à son plus fort, admettons à 100 dBSPL, on se retrouve avec une dynamique de 90 dB!

Les moyens d’aujourd’hui permettent sans problèmes d’enregistrer et post-produire une musique avec une telle dynamique. Mais que se passe t’il si par exemple on veut graver le morceau sur un vinyle?

Réduire la plage dynamique

On a vu que le vinyle est un support avec une plage dynamique de 60 dB. Comment contenir 90 dB de dynamique sur un support de 30 dB de moins sans sacrifier les niveaux les plus faibles ou les niveaux les plus forts de la performance?

La solution est donc de réduire cette plage dynamique, soit en atténuant les niveaux les plus forts, soit en augmentant les niveaux les plus faibles. Le compresseur était né! Sa première utilisation fut donc de pouvoir adapter la musique à une plage dynamique réduite des supports analogiques de l’époque (bandes analogiques, vinyle, …).

Augmenter la plage dynamique

On peut avoir le problème inverse. Admettons qu’on ait un vieux vinyle que l’on voudrait enregistrer sur un CD. Comment convertir 60 dB de dynamique aux 96 dB du CD?

Tu l’auras deviné, il faut augmenter la plage dynamique. Et ce procédé se nomme l’expansion. Comme pour la compression, il y a deux manières d’y arriver: soit d’augmenter les niveaux forts encore plus forts, soit de baisser les niveaux faibles à encore plus faibles.

Les 4 manières de modifier la plage dynamique

1) La compression 'downward'

La manière la plus courante de toucher à la dynamique musicale est de la réduire ou compresser. Et le type de compression, de loin la plus répandue est la compression dite ‘downward’: le compresseur réduit la dynamique en atténuant les niveaux les plus forts.

2) La compression 'upward'

La compression dite ‘upward’ est le fait de réduire la dynamique en augmentant les niveaux les plus faibles du signal. Ce type de compresseur n’existe quasiment jamais en tant que tel. On retrouve toutefois ce procédé dans de nombreux compresseurs multibandes.

3) L'expansion 'downward'

Il existe quelques raisons de vouloir augmenter la dynamique. Et dans ce cas, l’outil à utiliser est l’expandeur.

Comme pour la compression ‘downward’, l’expandeur par défaut est aussi ‘downward’, ce qui veut dire que le procédé consiste à diminuer des niveaux faibles, pour les rendre encore plus faibles.

4) L'expansion 'upward'

Comme pour le compresseur, l’expandeur dit ‘upward’ est très rare (augmenter les niveaux forts pour les rendre encore plus forts).

Processeur de la dynamique (Ableton Multiband Dynamics)
Le processeur "Multiband Dynamics" d'Ableton Live: il permet de modifier la dynamique du signal aussi bien compression ou expansion et en downward ou upward, et ce jusqu'à sur 3 bandes de fréquence distinctes.

Le compresseur et l’expandeur sont donc les deux principaux processeurs de dynamique.

Les autres comme le limiteur, le gate ou encore le ducker sont en fait des cas particuliers de modification de la dynamique.

Un mot sur le limiteur

Pour faire court, le limiteur empêche les niveaux forts de dépasser une certaine limite supérieure (souvent réglée légèrement en-dessous du 0 dBFS en numérique). Pour cela, il « ramène » les niveaux trop forts (dépassant la limite) au niveau de cette limite supérieure maximale.

On peut par exemple faire fonctionner un compresseur en mode « limiteur » avec des réglages drastiques en ratio (très élevé) et en composante temporelle d’attaque très rapide (voir ci-après). Mais il faut bien noter qu’un « vrai » limiteur n’est pas un compresseur car sa conception doit être adaptée à la détection du moindre pic (transitoire) du signal audio.

Un mot sur le 'gate' et le 'ducker'

Quant au ‘Gate’ (ou Porte en français, mais personne ne dit ça!), il est un peu à l’expandeur ce que le limiteur est au compresseur

C’est-à-dire qu’il atténue aussi les niveaux faibles, mais d’une manière fixe et pas suivant un ratio (voir ci-après pour la définition du ratio). Et une atténuation drastique permet de rendre inaudible les niveaux faibles.

Enfin, le ‘ducker’ réduit aussi les niveaux d’un certain montant fixe, mais pour des niveaux trop forts.

Contrôler les dynamiques du signal

En fait, à part au mastering, manipuler la plage dynamique n’a que peu d’intérêt dans le processus de production musicale (partant de l’hypothèse qu’on travaille « in the box » et que la plage dynamique n’est pas un problème).

En revanche, ce qu’il est primordial de maîtriser sont les variations dynamiques du signal audio. En cela, les processeurs de dynamique vont se révéler très utiles pour rendre le son plus ou moins fort, et ce aussi bien à un niveau macro-dynamique que micro-dynamique.

Regardons de plus près leurs principes communs de fonctionnement.

Schéma de base de fonctionnement des processeurs de dynamique

Rappelle-toi de l’importance de l’automation en volume d’une piste vocale pour la rendre plus consistante en niveau. Tu es en train de dire, d’accord, si la voix s’élève trop, je l’abaisse; si la voix se calme, je l’augmente. Cela ressemble à un procédé qui pourrait bien être automatisé par un compresseur, non?

C’est, en fait, tout ce que font ces processeurs de dynamique. Ils suivent une règle aussi simple que celle-là: écouter, analyser et répondre en changeant le volume en temps réel, mais de manière spécifique au processeur en question et suivant les réglages qu’on lui aura appliqué.

Tous les processeurs de dynamique fonctionnent donc sur le même concept:

  • Envoyer une copie du signal d’entrée en parallèle (une chaîne latérale ou ‘side-chain’) pour analyser le signal audio entrant.
  • Un étage de gain, connecté en sortie du side-chain, qui applique la modification de gain (réduction ou augmentation) requise par l’analyse du side-chain.
Side-chain scheme processeurs de dynamique
Schéma de base de fonctionnement d'un processeur de dynamique (ici type 'downward' car il s'agit d'une réduction de gain en sortie).

La section 'side-chain'

La grande majorité des réglages du processeur se passe ici.

NB: Je dois préciser que quand je parle de side-chain, il ne faut pas confondre avec la fonction de side-chain externe, parfois appelée ‘Key’ et représentée par une clé.  Cette fonction consiste à envoyer dans le side-chain un tout autre signal (celui qui commande le processeur) que le signal lui-même (la copie de celui sur lequel agit le processeur).

Les réglages que l’on retrouve donc ici sont nombreux et souvent inter-connectés entre eux. On y défini notamment:

  • Un niveau seuil (‘threshold’) pour l’étendue du signal à traiter;
  • Un ratio ou ‘range’ pour l’ampleur du traitement (la modification de gain);
  • Divers paramètres temporels (Attack, Release essentiellement, mais aussi ‘Knee’, mode ‘Peak’ ou ‘RMS’, ou encore ‘Look-ahead’…) pour la vitesse du traitement. 

L'étage de gain

Dès que le side-chain a analysé le signal audio suivant nos réglages, il envoie l’information de modification du gain (en réduction pour les cas des processeurs ‘downward’) à l’étage de gain.

Sur la grande majorité des processeurs de dynamique, la variation de ce gain est visible en temps réel, soit sous la forme d’un indicateur de niveau (voir ci-dessous), soit avec un Vu-mètre (sur des plugins d’émulation analogique).

Visualisation de la réduction de gain sur un compresseur
Visualisation de la réduction de gain (GR) sur le compresseur de Protools. On voit que la réduction de -18 dB est très importante (due notamment au ratio élevé).

Bien qu’il soit préférable de savoir utiliser ces outils avec ses oreilles plutôt qu’avec ses yeux, la visualisation de cet indicateur pendant l’utilisation est riche d’enseignements sur l’effet apporté au son, surtout quand on est encore novice en la matière.

D’abord parce que ces variations sont le résultat direct des réglages du seuil, ratio, attack, release, etc… Elles nous renseignent sur:

  • le changement de gain le plus élevé appliqué. Dans le cas d’un compresseur, la réduction de gain la plus haute détectée peut ainsi être compensée par une augmentation du gain en sortie pour ne pas perdre en volume perçu;
  • les moments où les changements de gain s’opèrent, notamment quand ils apparaissent et quand ils disparaissent. L’activité du processeur est en effet directement liée à la vitesse de ces variations;
  • l’effet des paramètres d’Attack et de Release (voir plus loin), et nous permet ainsi de mieux les ajuster.

Diagramme (ou fonction) de transfert

Un autre schéma permettant de différencier l’action de ces processeurs sur le signal est la représentation du niveau en sortie (Output en dB, en ordonnée) en fonction du niveau d’entrée (Input en dB, en abscisse).

Cette représentation se nomme le diagramme de transfert ou le graphe Input-Output et montre la fonction de transfert du processeur en question.

Par exemple, un processeur n’affectant pas le signal aura son niveau de sortie équivalent au niveau d’entrée. Il sera donc représenté par une droite de pente = 1. Il est dit à gain unitaire ou avec un ratio de 1:1 (1 pour 1).

Processeurs de dynamique à gain unitaire
Diagramme de transfert à gain unitaire: pente = 1, Input = Output

Le Ratio Input:Output

Maintenant, si le processeur de dynamique est actif, il altère le signal audio passant à travers. Si bien que l’Input et l’Output devraient être différents.

Les processeurs de dynamique sont tous des systèmes dits non-linéaires, en ce sens où l’amplitude du signal de sortie est dépendante de celle du signal d’entrée¹.

C’est la définition même du ratio: le rapport des niveaux entre Input et Output. Par exemple, le diagramme de transfert ci-dessous représente une compression avec un ratio de 2:1. Cela veut dire que pour 2 dB en entrée, 1 seul dB sort en sortie, soit une réduction de moitié.

Processeurs de dynamique non-linéaire
Diagramme de transfert d'un compresseur: Output = Input/2 (Ratio 2:1), pente ≠ 1 (système non-linéaire)

Donc l’atténuation en sortie n’est pas linéaire et dépend bien de ce qui entre. Avec un ratio de 2:1, un signal trop fort de 10 dB en entrée ressortira à 5 dB de moins. Mais un signal trop fort de 80 dB ressort à 40 dB de moins! Le ratio est bien le même mais le changement de niveau en sortie est différent.

¹ Un processeur de saturation/distorsion du signal est aussi un système non-linéaire, mais pour une autre raison, à savoir la modification spectrale (ajout d’harmoniques) du signal de sortie.

A contrario, un filtre ou un retard (delay) sont des exemples de processeurs linéaires.

Le Seuil de détection du signal (ou 'Threshold' en anglais)

J’ai parlé jusqu’à maintenant de niveaux forts ou faibles, trop forts ou trop faibles, à partir desquels le compresseur ou l’expandeur va agir. Mais à quoi cela correspond concrètement? C’est bien sûr à l’utilisateur de définir sur l’audio en question ce qui est trop fort ou trop faible.

Pour cela, il faut définir un certain niveau, au-dessus duquel les niveaux sont considérés comme forts, et en-dessous duquel les niveaux sont considérés comme faibles. Ce niveau s’appelle donc le seuil ou ‘threshold’ en anglais.

Processeurs de dynamique (compresseur)
Même compresseur que précédemment mais avec un seuil réglé à -40 dB. Pour des niveaux faibles (< -40 dB), le ratio est de 1:1 et le compresseur n'agit pas. Mais les niveaux dépassant -40 dB sont atténués suivant le ratio de 2:1.

Il faut donc toujours ajuster un seuil de détection du signal à partir duquel le processeur de dynamique va entrer en action.

Bien sûr, il est inutile de compter sur un quelconque preset de réglage de ce seuil car il est directement lié au contenu audio de ta musique.

Par exemple, dans le cas du compresseur, si tu joues un son trop tranquillement, il n’atteindra jamais un seuil réglé trop haut. Le compresseur ne fera donc rien.
Et si tu joues fort, tu pourrais toujours être au-dessus du seuil. Peut-être pas ce que tu veux.
Tu dois donc toujours veiller à l’ajuster.

Un mot sur les paramètres temporels

Ces réglages sont primordiaux dans le résultat sonore final. La vitesse d’action du processeur aura en effet un énorme impact à un niveau micro-dynamique et sur le groove ou la musicalité du son.
 
Concernant les paramètres d’attack et de release, il faut bien comprendre qu’ils déterminent à quelle vitesse ‘bouge’ la réduction de gain (comme évoqué plus haut). Contrairement à une croyance bien établie, ils ne représentent pas le temps que met le processeur à agir par rapport au niveau de seuil!

La quantité de GR (Gain Reduction) est d’abord déterminée par les paramètres de seuil et de ratio. Puis l’attack affecte la vitesse à laquelle le GR va s’opérer, et le release affecte la vitesse à laquelle le GR va cesser.

Récapitulatif de fonctionnement des processeurs de dynamique

droite de transfert compresseurLe compresseur réduit les niveaux dépassant un certain seuil (le ‘threshold’ défini par l’utilisateur). Il atténue donc les niveaux les plus forts suivant un certain ratio.

droite de transfert LimiteurLe limiteur assure de ne laisser aucun signal ne dépasser un certain seuil (une limite supérieure plafonnée dans ce cas ou ‘ceiling’ en anglais). Il réduit donc au niveau du seuil tout signal dépassant ce seuil.

droite de transfert Compresseur UpwardCe type de compresseur n’est pas courant.

Il augmente les niveaux qui sont en-dessous du seuil, rendant les niveaux faibles plus forts.

droite de transfert ExpandeurL’expandeur réduit les niveaux se situant en-dessous d’un certain seuil. Il rend donc les niveaux faibles encore plus faibles suivant un certain ratio.

droite de transfert Expandeur UpwardCe type d’expandeur n’est pas courant.

Il augmente les niveaux au-dessus du seuil, rendant les niveaux forts encore plus forts.

droite de transfert GateLe ‘Gate’ atténue les niveaux se situant en-dessous d’un certain seuil. Mais contrairement à l’expandeur, les niveaux ne sont pas atténués suivant un ratio mais d’un montant fixe, appelé ‘Range’.

Un ‘Range’ drastique (-80 dB) permet de réduire au silence les niveaux faibles.

Il est parfois appelé « noise-gate » car il est utile à l’atténuation des bruits parasites dans le signal audio.

droite de transfert DuckerLe ‘ducker’ atténue les niveaux dépassant un certain seuil d’un montant fixe réglé par le ‘Range’.

Conclusion

La gestion des dynamiques est essentielle dans le processus de production musicale.
C’est un sujet vaste et les processeurs de dynamique nécessitent vraiment une compréhension approfondie de leurs fonctionnalités avant de pouvoir les maîtriser de manière musicale.
 
Maintenant que tu as connaissance de ces différents outils à ta disposition, il est d’abord temps de digérer tous ces concepts, n’est-ce pas? 😮
 
Un débutant ne doit pas s’attendre à tout comprendre et maîtriser en une semaine. Cela prend beaucoup de temps et d’expérimentations sur diverses sources sonores.
Et ce pour diverses raisons:
– D’abord, de part tous les paramètres qui permettent de les contrôler (et dont j’ai survolé seulement la surface dans cet article);
– ces paramètres sont en quelque sorte liés les uns aux autres. Un changement sur l’un nécessite toujours de revoir le réglage du reste;
– il est beaucoup plus difficile d’écouter réellement leur effet sur le son, contrairement à un filtre ou une reverb où les effets sont plus évidents à l’écoute.
Il te faudra une certaine expérience et adaptation à l’écoute critique des variations dynamiques sur le son.
 
Par la suite, le challenge sera de les utiliser à bon escient pour améliorer ton morceau.
En effet, une foule d’applications créatives et d’amélioration du son au mixage s’ouvre à toi grâce à ces outils, s’ils sont bien utilisés.
 
Suis bien la suite des publications (en article et en podcast) car je rentrerai très bientôt dans le vif du sujet avec des exemples musicaux répondant à un objectif sonore précis.
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