Pour produire un son original, un synthétiseur utilise plusieurs unités de génération et de traitement sonore: des blocs ou modules constituent la base de fonctionnement d’un synthétiseur. Ils le divisent en différentes sections. L’inter-connexion de ces modules permet de créer un signal de base puis d’en modifier les paramètres afin d’obtenir le timbre désiré.
Au premier abord, la synthèse sonore semble être un sujet abscons plein de chiffres et de diagrammes; un cheminement du signal audio complexe sans connexion directe à la musique et aux émotions. Mais avec un peu de dévouement, l’étude sur le sujet en vaut vraiment la peine.
Organisation en modules d'un synthétiseur
L’élément fondamental du synthétiseur est le module. Tous les synthés fonctionnent à partir de composants, ou modules qui sont connectés ensemble et s’influencent les uns aux autres. C’est de là que vient le terme de synthèse modulaire, très en vogue ces derniers temps. Ce revival pour le son vintage de la synthèse analogique, à base de connexions entre modules à l’aide de câbles ou patchs, rend la synthèse sonore passionnante et amusante.
Rien que 2-3 modules suffisent à donner vie à un son original. Tu peux déjà commencer à te familiariser aux techniques utiles au façonnement de ton propre son. Un nouveau monde sonore s’ouvre à toi!
Afin que mes propos restent simples et à la portée d’un débutant, il convient de commencer par expliquer le plus simplement possible le fonctionnement d’un synthétiseur analogique de type soustractif.
Fonctionnement d'un synthétiseur analogique
La synthèse analogique repose sur la modification d’un signal tout simple: une onde. Qui dit analogique dit sons produits par des variations de tensions: le « Control Voltage » ou CV = contrôle de tension d’un élément.
Pourquoi des contrôles en tension?
Car un signal électrique servant de commande peut se déplacer beaucoup plus vite que n’importe quel système mécanique. Les tensions peuvent également s’ajouter et se soustraire très facilement, ce qui permet au musicien d’envisager avec flexibilité des opérations complexes sur le son qu’il élabore avec son synthétiseur.
Le Control Voltage est en principe produit par un clavier, un séquenceur ou un contrôle MIDI (dans le cas d’un synthé digital, la tension est commandée numériquement mais le principe reste le même).
La synthèse analogique soustractive et ses principaux modules
Le principe est de générer des formes d’onde basiques, riches en harmoniques pour pouvoir ensuite agir sur le timbre en retranchant au signal électrique une partie de ces harmoniques. D’où le terme de synthèse soustractive.
Pour cela, les différents modules ou sections constituant le synthétiseur jouent un rôle particulier dans la transformation du son. Ils interagissent entre eux en fonction des paramètres que l’utilisateur modifie.
Les voici (ce qui suit sera détaillé dans de prochains articles sur le sujet):
Le VCO
Générateur de formes d'onde
Le VCO est la portion du synthétiseur où la forme d’onde à la base du son est créée.
Dans l’article sur la perception du timbre, j’ai énuméré les différentes formes d’onde de base plus ou moins riches en harmoniques. C’est celles-ci que l’on retrouve à disposition dans tout synthétiseur analogique soustractif. A savoir, la dent de scie (qui je le rappelle est composée de toutes les harmoniques), l’onde carrée (toutes les harmoniques impaires), ou encore l’onde triangle.
Tu peux y écouter les spécificités sonores de chacune de ces ondes de base. C’est bel et bien à partir de ces sources sonores que l’on va échafauder des sons d’une toute autre nature, plus ou moins complexes. Étonnant non?
Tension de commande
Le VCO (Voltage Controlled Oscillator) est un générateur sonore dont la valeur tonale (la hauteur) du son est commandée par la tension (voltage). Cette tension de contrôle s’est peu à peu généralisée en unité de volts/octave avec 1 volt correspondant à 1 octave. Ce qui donne une tension allant de 0 à 9 V sur 8 octaves.
Le VCF
Le VCF (Voltage Controlled Filter) est la section filtre du synthé. C’est le deuxième module le plus important en synthèse soustractive. En effet, c’est là que les ondes de départ sortant du VCO peuvent se voir retirer des fréquences via un ou plusieurs filtres afin de « sculpter » le son.
Chaque constructeur conserve ses secrets quant aux schémas de fabrication de ces filtres ou au choix des composants. Les connaisseurs reconnaissent la marque d’un synthé analogique au « son » de ses filtres!
Comme son nom l’indique et comme le VCO, le VCF est contrôlé par une tension: c’est un filtre à ouverture variable (à 0 volt, le filtre est fermé et tout le son passe; à 9 volts, le filtre est ouvert et le filtrage des harmoniques est complet).
Le VCA
La section VCA (Voltage Controlled Amplifier) gère le niveau de sortie du synthé. C’est donc un amplificateur à niveau variable permettant de contrôler le volume final.
On verra plus tard que le VCA est piloté par le paramètre le plus important de cette section: l‘enveloppe ADSR. Cette dernière sert à « sculpter » le profil dynamique du son.
Les sections "Contrôle de modulation"
A part l’onde qui sert de point de départ à l’établissement du son, rien n’est fondamentalement statique dans un synthétiseur. Autour de ce trio VCO/VCF/VCA peuvent s’y greffer ce que l’on appelle des contrôles de modulation. Ils vont permettre d’enrichir les textures sonores dans le temps et donc de faire vivre le son.
Les deux principaux sont l’enveloppe et le LFO. Viennent ensuite des extensions permettant d’agir manuellement sur le son en live par la présence de molettes à côté du clavier ou bien par les touches du clavier lui-même. Voici très rapidement ce dont il s’agit:
Enveloppe et LFO
La plupart des synthétiseurs analogiques possèdent au moins deux enveloppes: la première servant à faire varier le VCA, la seconde agissant sur le filtre (volume et fréquence).
Quant au LFO il est d’une importance capitale pour personnaliser le son. Il est utile pour créer des effets comme le vibrato en jouant sur la fréquence du signal délivré par le VCO. Tandis que le trémolo est obtenu en modulant avec le LFO le volume du VCA.
Le LFO peut bien sûr être affecté à d’autres modules comme par exemple la section de filtrage.
Pitch bend et molette de modulation
Le synthétiseur est le plus souvent équipé de deux molettes situées généralement à gauche du clavier:
– Le Pitch Bend, agissant sur la hauteur du signal (effet de glissando réglable en hauteur, généralement de + ou – un demi-ton);
– La molette de modulation qui est assignable à différentes fonctions (mais qui est souvent assignée par défaut à l’intensité du LFO).
Les contrôles liés aux notes jouées
Enfin, beaucoup d’autres contrôles de modulation qui entrent en jeu dans le fonctionnement d’un synthétiseur sont liés à l’information de note jouée par le clavier (Vélocité, Key tracking, Aftertouch, Glide et Portamento, Arpégiateur, ….).
La section "Mixeur"
Plusieurs oscillateurs sont à disposition mais leur nombre diffère suivant le type de synthétiseur. Cette section permet donc de les mixer entre eux comme son nom l’indique.
Par exemple le Minimoog en possède trois. Avec ces trois oscillateurs, on dispose de trois sons simultanés (ou superposés) avec des hauteurs et des formes d’onde différentes. Le Minimoog est donc un synthétiseur monophonique doté de trois générateurs VCO commandés par une seule touche du clavier.
La section "Effets"
Elle permet de colorer le son final, de modifier sa richesse harmonique ou d’amplifier sa résonance. Cette section est absente des synthétiseurs jusqu’aux années 80. Les deux premiers effets à avoir été incorporés sont la reverb et le chorus. Par la suite les effets incorporés sont devenus incontournables dans les synthés numériques.
Fonctionnement d'un synthétiseur vers le numérique
Le plus gros inconvénient du VCO est son manque de stabilité en fréquence. Un faux contact ou un parasite dans les connecteurs le reliant au clavier peut provoquer une variation de tonalité importante. C’est ce qui leur confère toutefois un grain particulier et un son moins prédictible que les oscillateurs purement numériques.
Il faut bien comprendre que dans le standard volt/octave, un simple écart de tension de 1.6 millivolt correspond à une variation de fréquence d’1/100 de ton! Pour remédier à cela, le contrôle par tension fit peu à peu la place à un contrôle numérique (DCO au lieu de VCO).
Le DCO (Digitally Controlled Oscillator)
Les DCO sont contrôlés non plus par des tensions électriques, mais par des valeurs numériques. Par contre, la production des formes d’ondes en elle-même reste analogique. Leurs caractéristiques sonores restent donc très proches de celles des VCO.
L'échantillon numérique
Progrès oblige, quand l’échantillonnage devint un procédé économiquement viable vers le milieu des années 80, un microprocesseur remplaça le classique oscillateur et ses formes d’onde simplistes. Le principe de base ne repose plus sur la production de formes d’ondes, mais sur la lecture d’échantillons (enregistrements numériques) sonores issus de sons d’instruments et de bruits divers.
D’une manière générale, le son, s’il gagne naturellement en stabilité et en propreté, peut être jugé plus froid qu’avec des oscillateurs analogiques.
Mais le gros avantage de l’arrivée du numérique est incontestablement l’invention du système MIDI. Ce protocole (j’aurai l’occasion d’y revenir plus en détails) permet d’uniformiser la connexion des instruments entre eux ainsi que leur commande à distance, par l’intermédiaire des stations audionumériques que l’on connaît aujourd’hui.
Cheminement du signal à travers les modules
Quand tu appuies sur une note du clavier, un signal est envoyé au générateur de sons, qui le délivre au mixeur, puis aux filtres, avant d’être modifié par l’enveloppe ADSR jusqu’à la sortie.
Cette explication simple est en réalité plus complexe étant donné que certaines commandes du synthétiseur intéragissent entre elles. Si les filtres et l’enveloppe ont un effet direct sur les contrôles que sont le clavier et les molettes de pitch et de modulation, le choix des oscillateurs déterminent un grain de son global à même de déterminer et d’orienter toutes les manipulations qui se trouvent en aval.
Dès que l’on assimile la logique et l’intéraction de chaque section, le synthétiseur monophonique analogique demeure sans nul doute la meilleure solution pour bien comprendre comment est généré un son électronique.
Si tu possèdes des instruments virtuels (VSTi) dans ta panoplie d’outils audionumériques, tu peux d’ors et déjà t’amuser à repérer les différentes sections de ton instrument qui ont été décrites dans cet article. Cela constitue un excellent entraînement pour se familiariser à l’utilisation de n’importe quel synthé ou instrument virtuel du marché.
Fonctionnement d'un synthétiseur avec les trois dimensions du son
Comme vu dans la série d’articles « Comment éduquer l’oreille à l’art du mixage », tu retrouves dans le fonctionnement d’un synthétiseur la création sonore dans ses trois dimensions:
– Le contrôle de la dynamique du son avec le VCA qui module l’intensité sonore et l’enveloppe qui le profile en fonction du temps.
– Le contrôle fréquentiel avec le VCO qui détermine la hauteur des sons et leur forme d’onde, ainsi que le VCF qui altère le spectre harmonique.
– Le contrôle temporel et spatial du son avec toujours les modulations par l’enveloppe et les LFO ainsi que les effets additionnels (Reverb, …)
Les valeurs de forme d’onde, d’amplitude et de fréquence peuvent être modulées par des potentiomètres (« potards »). Toutefois, la majeure partie du temps, fréquence (hauteur de note) et amplitude (puissance du signal) sont modulées directement à partir d’un clavier. Ce qui n’empêche pas la section VCO d’être souvent accompagnée d’un potard appelé « pitch » ou « detune » qui permet d’accorder l’instrument. Certains permettent carrément de changer d’octave, comme sur le Minimoog Voyager.
Conclusion
Si tu es novice en la matière, la synthèse analogique soustractive que je viens de te décrire succinctement constitue le meilleur outil d’apprentissage pour comprendre les bases du fonctionnement d’un synthétiseur.
Cela présente en effet l’avantage de rassembler à vue l’ensemble des commandes. On peut donc intervenir en live dans tous les paramétrages de façon directe et sans perte de temps.
Exemple ici avec le Minibrute du constructeur français Arturia, ainsi qu’un exemple d’une émulation en synthé virtuel du Minimoog:
Bien que le synthétiseur soit l’un des outils les plus importants dans la musique contemporaine, et créer de la musique Pop ou électronique sans cela serait impossible, l’aspect le plus important dans l’apprentissage de la synthèse sonore n’est pas le synthétiseur ou même les sons que tu crées. La part la plus importante est comment l’exploration change ta façon d’écouter. En te donnant un langage du timbre, une manière de décrire ce que tu entends, tu deviendras meilleur à l’écoute et donc un meilleur producteur, performeur et communicateur de ta musique.
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Merci pour ces explications très claires . Cela me donne envie d’acquérir un synthé et d’expérimenter les possibilités de créer des sons .
Merci aussi pour le téléchargement du livre .
Y’a pas de quoi. Ravi de te donner le goût d’expérimentation sonore 🙂
votre site ne m’a pas permis de faire ma présentation devant ma classe super cool hein !!!