Tout l’art de la post-production musicale repose sur l’écoute. Tu entendras souvent, à juste titre, la recommandation « fais confiance à tes oreilles plutôt qu’à tes yeux ». Ceci dit, des indicateurs visuels des niveaux se révèlent aussi bien pratiques en situation de mixage ou mastering. Et parmi tous les types de mesures existantes, deux sont incontournables: la mesure du pic de volume (ou niveau crête, ou « peak » en anglais, appelles-là comme tu veux), et la mesure du niveau moyen RMS.
Sur quoi ces deux mesures renseignent-elles concernant la dynamique du son? En quoi sont-elles utiles et qu’est-ce qui les distingue l’une de l’autre?
Indicateur de niveau RMS et Peak dans la DAW
Toutes les DAW aujourd’hui sont capables d’afficher en temps réel les deux mesures sur un même indicateur de niveau. Et pour éviter toute confusion, il est capital de faire la différence entre un niveau peak et un niveau RMS.
Echelle des niveaux
L’échelle digitale de l’indicateur des niveaux va de – ∞ à 0 dB. Attention à ne pas confondre avec l’échelle du fader, qui elle va aussi de – ∞ à +6 ou +12 dB. La position du fader au-dessus du 0 dB est toutefois une zone d’extra-gain à éviter dans la mesure du possible (voir article précédent).
Le plus haut niveau de l’indicateur peak digital est donc le 0 dBFS. Bien sûr, sur un équipement analogique, l’échelle s’étend au-dessus du 0 dB (zone de headroom ou saturation analogique). Quant au – ∞, il dépend de la valeur de quantification en bits choisie pour le format audio (bit depth): -96 dB en 16 bits, -144 dB en 24 bits, etc… En général, la plupart des indicateurs ont leur niveau le plus bas vers -70 dB.
Niveau Peak = Niveau maximal instantané
La signification du niveau peak est très simple: elle renseigne sur le niveau maximal instantané du signal. Sa réponse aux changements de niveau est immédiate.
Le rôle principal de l’indicateur du niveau peak dans un système digital (donc dans une DAW) est de se prémunir à ne pas dépasser la limite maximale du 0 dBFS. Si c’est la cas, une indication de clipping (en rouge) est là pour nous avertir.
Les fonctions "Peak Hold" et "Clear Peak"
Une autre indication pratique est le « Peak Hold » (en anglais). Cela veut dire que le niveau atteint par le dernier pic le plus haut est maintenu affiché (la durée de maintien pouvant parfois être réglée dans les préférences: affiché toujours, quelques secondes ou pas du tout).
Cette fonction est particulièrement utile, notamment lors de l’enregistrement ou avant de « bouncer », pour connaître le niveau le plus haut atteint par l’audio sur toute sa durée.
Le Peak Hold est aussi affiché numériquement et la fonction « Clear » permet de l’effacer en cliquant dessus. La mesure reprend alors à partir du moment où on a cliqué. Cette dernière fonction est identique pour effacer l’indication de clipping.
Niveau RMS = calcul d'un niveau moyen
Le niveau RMS est tout autre. Contrairement au Peak qui indique un niveau maximal atteint de manière ponctuelle, le niveau RMS est un volume moyen perçu de manière globale (donc dépendant d’un certain temps d’acquisition).
Il indique mieux le niveau correspondant à la sensibilité de nos oreilles. En effet, l’oreille perçoit le son comme des variations de volume « moyen » (voir article sur les décibels). La mesure par l’aiguille d’un Vu-mètre analogique correspond bien à ce niveau moyen. Dans le monde numérique, cette même mesure se calcule et se nomme le niveau RMS (pour Root Mean Square).
Qu'est-ce que le calcul RMS (Root Mean Square)?
Mais concrètement, que veut dire le terme « moyen »?
La mesure mathématique consiste à effectuer la racine carrée (Root) de la moyenne (Mean) de toutes les valeurs au carré (Square) constituant la forme d’onde du signal en question.
C’est donc une moyenne quadratique et non arithmétique car les formes d’onde audio sont des variations d’amplitude autour de la valeur 0:
Par exemple, pour l’onde la plus simple, la sinusoïdale, la valeur de son niveau RMS est à 0.707, soit environ 70% du niveau Peak maximum:
Niveau RMS et le Vu-mètre
Le niveau RMS étant une « moyenne » sur un temps donné, le mouvement de l’indicateur RMS reflète approximativement le volume que nous percevons. Et de tous les indicateurs de ce type, le Vu-mètre analogique est sans doute le plus populaire. Il convient de remarquer la distribution des niveaux qui va de -20 à +3 dB: la première moitié droite de l’afficheur couvre près de 6 dB, alors que le côté gauche couvre les 17 dB restants.
De nombreux ingénieurs du son, avant l’ère du numérique, sont habitués à ce type d’afficheur. Et certains possèdent même suffisamment d’expérience pour établir les niveaux approximatifs de divers instruments simplement en regardant au Vu-mètre.
Niveau RMS vs loudness
Un désavantage de l’indicateur Peak est qu’il ne renseigne en rien sur le niveau de loudness, c’est-à-dire le niveau global réellement perçu.
Si les pics de volume peuvent se produire en l’espace d’une demi milliseconde, on est incapable de les enregistrer dans notre cerveau en tant que niveau perçu. Mais le niveau RMS renseigne sur une période de temps plus longue. Il est donc plus à propos pour savoir à quel niveau de volume le son est perçu.
Le niveau RMS agit comme une sorte de baromètre sur le niveau perçu du signal audio.
Ne pas confondre niveau RMS et loudness
Attention toutefois à ne pas confondre niveau RMS et loudness.
J’avais en effet déjà parlé des variations du loudness en fonction du type de son (percussif ou soutenu) ou de sa fréquence (courbes de Fletcher & Munson).
1) RMS vs type de son (persussif ou soutenu)
J’y avais démontré qu’un son soutenu était perçu plus fort qu’un son percussif bien que réglés au même niveau. Le problème du niveau RMS dans ce cas-là est qu’il n’est pas adapté pour la mesure d’un son percussif (Kick, Snare, …). On regarde plutôt le niveau peak pour ces types de son.
La valeur RMS dépend d’un temps d’acquisition trop long pour mesurer le niveau d’une transitoire. Ce qui veut dire que le niveau RMS est en fait une valeur arbitraire en fonction du temps choisi pour réaliser la mesure. Elle est en général réglée à 300 ms par défaut, comme le Vu-mètre. Mais tous les indicateurs RMS et plugins qui en intègrent un peuvent très bien calibrer différemment ce temps d’acquisition. Ce qui n’en fait donc pas une mesure fiable du loudness, mais seulement comme dit précédemment un baromètre du loudness.
2) RMS vs fréquence
Le niveau RMS est indépendant des effets expliqués par les courbes de Fletcher & Munson. Ce qui veut dire concrètement que si on compare un son de basse sombre à un son brillant et aigüe, réglés au même niveau, le son aigüe sera ressenti plus fort (même niveau RMS mais loudness différent).
Niveau RMS vs Peak: le facteur de crête
Bien que le niveau RMS ne soit pas une mesure précise du loudness, il n’en reste pas moins un indicateur important s’il est visualisé par rapport au niveau Peak: c’est ce que l’on nomme le facteur de crête du signal audio (ou Crest Factor en anglais).
Il s’agit tout simplement du rapport entre le niveau Peak et le niveau RMS: N(peak)/N(rms).
Le facteur de crête ne dépend que de sa forme. Pour faire simple, plus la forme d’onde de l’audio est « pointue » (sons percussifs), plus le facteur de crête est important.
Ainsi, la simple visualisation de la forme d’onde de notre signal audio peut nous apprendre bien des choses concernant son taux de compression (donc son niveau de loudness).
Je m’explique:
- Dans le cas d’un son soutenu (haut niveau de sustain, peu de transitoires), son facteur de crête est faible et le niveau RMS élevé tend vers son niveau crête;
- Dans le cas d’un son percussif (transitoires marquées), son facteur de crête est élevé. Il y a alors des risques de clipping et il faut se focaliser sur les niveaux peak. L’idée est donc d’atténuer les pics les plus forts et donc réduire le facteur de crête en compressant l’audio. Cela a pour conséquence de ramener l’audio avec un niveau RMS plus consistant (équivalent au son soutenu).
Par exemple, lors de la compression dynamique sur une voix, c’est le niveau RMS de cette voix que l’on veut « aplanir » pour éviter de trop grandes variations de volume. Et rendre ainsi la voix plus consistante.
Enfin, au stade final du mastering, le facteur de crête devient une donnée capitale en vue de l’établissement du loudness final avec le limiteur. C’est en effet à ce stade que l’on affinera l’écart entre niveau RMS et niveau Peak. La valeur de cet écart varie suivant les styles de musique et doit être défini par l’ingénieur mastering.
Conclusion
Les mesures des niveaux Peak et RMS sont longtemps restées les deux seules valeurs de vérification concernant la dynamique et le loudness d’un morceau.
Mais de nouvelles normes sur les niveaux audio ont récemment instauré d’autres mesures plus précises: pour les niveaux Peak (le « True Peak ») et pour le niveau moyen grâce à un algorithme de mesure du loudness. L’objectif initial fut notamment une tentative d’harmoniser le volume sonore entre divers programmes audio. Cela rebattit les cartes par la suite dans la manière de mesurer les niveaux et contrer les problèmes engendrés par la loudness war.
On verra dans les prochains articles quelles sont ces nouveaux moyens de mesure (LUFS, dB True Peak, LRA, PLR/PSR…) et comment en tirer parti de manière bénéfique.
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