Ces dernières années, l’audionumérique et la production musicale « in the box »¹ a considérablement évolué. D’un point de vue de la dynamique du signal, on a vu que celle-ci est déterminée par la résolution en bits de son format audio digital. Aujourd’hui, toutes les DAW dignes de ce nom fonctionnent en 32 bits flottants (« 32 bits float »), voire 64 bits float.
Par exemple, Ableton Live fonctionne en 32 bits float par défaut. Pour d’autres DAW, il faudra parfois cocher l’option dans les préférences.
Qu’est-ce que cela change par rapport à un format audio à bits fixes? Et surtout qu’est ce que cela implique dans la gestion des niveaux et la maîtrise de la dynamique sonore au sein d’une DAW?
¹ « In the box » ou « Inside the box » fait référence au travail de l’audio (en production et post-production) réalisé dans l’ordinateur, sans l’aide d’aucun appareil hardware externe (à l’exception des moniteurs HP bien sûr).
Gestion de la dynamique sonore dans le monde analogique
Tout d’abord, il est important de rappeler comment on gère le signal dans le monde analogique. Contrairement au numérique, la vigilance se situe essentiellement dans le bruit de fond généré par les divers appareils utilisés. Le travail est donc d’optimiser le rapport Signal/Bruit.
La bonne façon de procéder consiste alors à garder les signaux audio à un niveau optimal, le fameux niveau nominal, et ce aussi tôt que possible dans la chaîne du traitement du son.
Cela signifie notamment qu’il faut chercher dès l’enregistrement à obtenir un signal qui « tape » autour du 0 VU du Vu-mètre. Et si on se retrouve dans le cas où il est nécessaire de booster le signal, il faut le faire le plus amont possible de la chaîne. La règle générale est de garder le plus possible tous les appareils à gain unitaire (le niveau objectif qui rentre est identique au niveau qui ressort).
La dynamique sonore dans le monde digital
La philosophie de travail a évoluée dans le monde des « 0 » et des « 1 ». Le rapport Signal/Bruit n’est plus le problème principal, le bruit de fond étant très bas. A l’inverse de l’analogique, la vigilance est passée à la limite supérieure, à savoir le 0 dBFS à ne surtout pas dépasser (alors qu’en analogique comme on l’a vu, cette limite max est beaucoup moins stricte).
La question qui se pose alors est de savoir s’il existe comme pour l’analogique un niveau optimal du signal à atteindre. A quel niveau en-dessous du 0 dBFS faut-il travailler?
La DAW en "32 bits float"
Pendant longtemps, l’ère numérique s’est accommodée des calculs sous une résolution de 16 bits (DR de 96 dB) jusqu’à 32 bits (DR de 192 dB). On peut se dire que 192 dB de plage dynamique est bien plus que suffisant sachant que notre oreille ne peut plus supporter au-delà des 120 dB.
Cependant, avec des résolutions à bits fixes, on reste dépendant du risque de surcharge ou écrêtage du signal au-dessus des 0 dBFS si on amplifie trop le signal.
Plus récemment, l’architecture en bits flottants a alors changé la donne.
Qu’est ce que cela signifie?
Sans rentrer dans les détails, l’architecture à bits flottants augmente considérablement la plage dynamique disponible au sein de la DAW (jusqu’à 1000 dB de headroom additionnel au-dessus du 0 dBFS!!!).
En quoi est-ce si important?
Cela veut dire que le signal audio peut être considérablement augmenté (même en visualisant du clipping au-dessus du 0 dBFS de la piste) ou diminué sans aucune perte de qualité audio (en restant à l’intérieur de ta DAW!).
Quelques précisions concernant les valeurs en bits pour éviter les confusions
Quand on parle de 16, 24, 32 ou 64 bits, il ne faut pas confondre à quelle entité numérique ces résolutions sont associées:
– Un fichier ou flux audio en 16, 24, 32 voire 64 bits représente la plage dynamique théorique possible de ce fichier.
– Lorsqu’on enregistre de l’audio sur l’ordinateur ou qu’on exporte l’audio, on passe par un convertisseur A/N puis N/A. Le convertisseur A/N en 16 ou 24 bits détermine la précision dynamique du signal numérisé. Et le convertisseur N/A détermine la dynamique du signal reconstruit en 24 ou 16 bits.
– Les calculs au sein de la DAW ou de tout logiciel de traitement audio se font en 24, 32 bits (fixes ou flottants) ou 64 bits. Ces valeurs déterminent la précision des calculs lors des traitements (erreurs de quantification).
– Enfin, il ne faut pas confondre tout cela avec un système ou logiciel fonctionnant en 32 ou 64 bits (aujourd’hui tout fonctionne en 64 bits et le 32 bits tend à disparaître). Cela détermine la taille des données binaires utilisées pour une opération. Cela permet notamment d’adresser plus de 3 Go de mémoire vive. Il n’y a aucune influence sur le son!
Teste toi-même l'effet des bits flottants:
Pour t’en convaincre, fais ce test simple sur ta DAW:
- prends une piste de Kick dont le signal tape à -1 dBFS
- augmente le fader de la piste à disons +20 dB. Le signal est alors dans le rouge et sature à mort (enfin c’est ce que tu crois…)
- route la sortie de cette même piste « saturée » vers un bus, lui-même sortant vers le Master. Cette piste auxiliaire montre le même niveau saturé…
- baisse à présent le fader du bus de -20 dB. Le signal du Kick est à nouveau parfaitement intact!
Alors tu pourrais te dire, oui je retrouve exactement le même signal qu’au départ, qu’est-ce qu’il y a de si extraordinaire à cela?
Et bien fais le même test sur une architecture à bits fixes (si tu as la possibilité de changer). On constate alors que le signal saturé, reste saturé par la suite, même en baissant le fader d’autant de dB. C’est la même chose en analogique, si le signal se sature, il restera saturé dans toute la suite de son cheminement, pour le pire ou le meilleur.
Conclusion
L’architecture des DAW en 32 bits float facilite bien des choses dans le traitement audio des pistes d’une production musicale.
Néanmoins, l’avantage du 32 bits float disparaît quand le signal n’est pas encore enregistré dans la DAW ou que l’on veut l’exporter hors de la DAW. De plus, l’enchaînement des étapes de production d’une track, de l’enregistrement au mastering, nécessite une vigilance particulière sur la dynamique des signaux audio de chaque piste, 32 bits float ou pas.
Dans le prochain article, je m’attacherai à présenter tous les points importants à surveiller au niveau de la dynamique des signaux dans le travail audionumérique « in the box ».
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