Comment gérer l’équilibre dynamique de la musique?

équilibre dynamique de la musique

Voici le deuxième épisode du podcast qui te présente pourquoi et comment ajuster l’équilibre dynamique d’une production musicale. L’article en-dessous est la transcription de cet épisode où tu peux bien sûr y retrouver tous les exemples sonores.

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Pourquoi et comment gère t-on les niveaux relatifs des instruments?

Manipuler la dynamique est l’une des manières les plus importantes d’ajuster l’énergie tout le long d’un morceau de musique.
C’est une grande part de la raison d’être de la musique: une façon de toucher aux émotions et à l’énergie de l’auditeur.
Cela permet de le guider à travers un mixage complexe et de le concentrer sur l’élément musical le plus important.
 
Et ce contrôle des dynamiques peut s’effectuer à différentes étapes du processus de production afin d’intensifier cette expérience.
Alors d’un point de vue plus technique, cela passe d’abord par la gestion des niveaux sonores du morceau dans sa globalité.
Et notamment la gestion des niveaux les plus forts, surtout en numérique, dans ton ordinateur, où on sait l’importance de ne pas dépasser le 0dBFS maximal.
Je te renvoie à ce sujet sur la série d’articles « La gestion des niveaux sonores »  où je parle longuement de ces problématiques des niveaux forts ainsi que les compromis à faire entre le niveau perçu global du morceau (le loudness) et sa dynamique.

Niveau relatif VS Niveau absolu

Mais le sujet de cet article est de maintenant considérer la gestion des niveaux des instruments entre eux, les uns par rapport aux autres, leur niveau relatif.
En fait c’est la première chose à considérer dans le processus de production avant de se préoccuper du niveau final maximal à atteindre, qui est plus une préoccupation à l’étape finale du Mastering.
Entre parenthèse, si tu veux pouvoir écouter le morceau ou un élément en particulier plus fort, il suffit d’augmenter le volume de tes hauts-parleurs!
 
En travaillant sur une prod, on travaille toujours sur un projet multitrack (multi-pistes) avec forcément plusieurs éléments ou instruments différents répartis sur chaque piste de la DAW, que ce soit sur Ableton, Logic, Cubase, protools, etc…
Donc au départ de mon projet, la question n’est pas de savoir «  quel niveau absolu? » mais « quel niveau pour cet instrument par rapport aux autres? ».
Cette dernière question est à la base de la plupart de nos décisions dans l’ajustement des volumes: on fixe généralement le niveau d’un instrument tout en le comparant au niveau d’un autre.

Apprendre à écouter ces différences de niveaux de manière objective

Se pose alors la question: «  Qu’est-ce qui est considéré comme un bon équilibre de niveau relatif? »
 
Bien que ce soit du niveau du subjectif, selon les goûts personnels, il y’a quand même de la marge avant de vraiment se tromper sur l’établissement d’un équilibre en volume entre les pistes.
C’est ce qu’on appelle faire la mise à plat au début du mixage (ou la balance des niveaux).
 
Donc atteindre un bon équilibre de niveau relatif est une tâche qui vient naturellement avec un peu d’expérience. Seul un débutant complet peut vraiment se tromper dans l’évaluation de cet équilibre. Avec un peu d’entraînement, tu peux apprendre à écouter les différences de niveaux de manière objective et évaluer si un instrument est trop ou pas assez fort dans le mixage.

Exercice d'écoute

J’ai ici un petit exercice d’écoute à te soumettre: il s’agit d’un extrait d’un morceau (brut, il est pas mixé), il est au stade de la mise à plat.
 
Je vais te faire écouter à la suite 5 versions différentes de ce même extrait, avec à chaque fois une modification de niveau sur un élément en particulier.
J’ai fais exprès de bien exagérer le trait pour que ce soit assez facilement détectable.
A toi d’écouter et repérer l’élément qui fait défaut dans l’équilibre objectif de l’extrait.

{MUSIC}

Raisons objectives d’ajustements des niveaux

Maintenant, dans la production de ton morceau, plusieurs raisons font que tu vas ajuster les niveaux de telle ou telle manière.

1) L'importance d'un instrument par rapport à un autre suivant le style musical

L’établissement d’un équilibre relatif entre les différents instruments est généralement déterminé par leur importance.
Par exemple, le niveau du Kick est étroitement lié à la façon dont la musique pourrait nous affecter.
Un Kick faiblard dans une track orienté « Dance »  ne fera pas bouger les gens dans un club.
Dans la musique rock, pop, les voix sont généralement l’instrument le plus important (une question très courante est: «y a-t-il quelque chose de plus fort que le chant?»).
Ou encore, pour un morceau Jazz, un piano joué trop fort jusqu’à rivaliser avec le chant, pourrait nous faire passer à côté du message émotionnel des paroles ou de la beauté de la mélodie.
 
Il faut toujours se demander quelle est la fonction émotionnelle de chaque instrument et comment peut-il améliorer ou au contraire contrecarrer l’ambiance générale d’un morceau, puis définir les niveaux respectivement.

2) L'arrangement: équilibre général et maintien de l'intérêt

Ensuite, ces réglages de volumes sont aussi étroitement liés avec l’arrangement de notre morceau.
En effet, ça dépend toujours des styles musicaux mais bon dans la grande majorité des cas, un morceau va évoluer à travers différentes sections (Couplet, refrains, intro, etc…).
 
Donc là on touche à l’art de l’arrangement, en terme de niveaux des différents instruments, c’est-à-dire, arriver à obtenir un savant dosage entre deux aspects:
  • d’une part une préservation de la dynamique générale du morceau, où de trop grandes variations de volume entre les sections ne sont pas souhaitables.
  • et en même temps, il faut bien créer quelques variations de niveau sonore au cours du morceau pour éviter de tomber dans la monotonie et au contraire susciter l’intérêt et refléter fidèlement l’intensité du morceau.
Par exemple, l’arrangement de nombreuses productions signifiera des passages plus calmes pendant le couplet et plus fort pendant le refrain.
Ou encore, au fur et à mesure qu’un morceau progresse, l’importance de divers instruments peut changer; comme dans le cas d’un solo de guitare qui devient plus fort à ce moment-là.
Sans aucune action de notre part sur les niveaux, le niveau de mixage global peut avoir des sauts de volume assez surprenants.
 
Si je prends cet exemple d’un morceau de K’s Choice: {MUSIC}
C’est un exemple de la façon dont une absence d’un tel équilibre peut perturber puisque le morceau explose juste après l’intro et la montée de niveau peut facilement te faire sauter de ton siège.
 
Un autre exemple avec Nirvana et ce morceau que j’ai pas besoin de te présenter:  {MUSIC}
On a là aussi une intro avec un seul élément, la guitare, avant l’explosion avec les guitares saturées et la batterie.
Sauf que là, on est moins surpris de la transition car l’effort a été mis pour ajuster le niveau de la guitare introductive assez forte puis qui s’évanouit rapidement à l’entrée de la batterie.
 
Il existe des plugins de mesure des niveaux, qui peuvent mesurer cet écart de volume perçu entre les sections les plus fortes et les sections plus faibles du morceau.
L’indicateur de mesure s’appelle le LRA (pour Loudness Range). Et il ne pas le confondre avec le Dynamic range.
Le LRA est une mesure subjective personnelle à chaque morceau alors que le DR (Dynamic Range) mesure l’écart entre le niveau Peak et le niveau moyen (RMS ou en Loudness).
J’en parle dans l’article sur les plugins de mesure LUFS si tu veux en savoir plus.

3) Le manque de définition et le masquage

Enfin, une autre raison de vouloir ajuster les niveaux est le manque de définition d’un instrument.
En effet, plus un instrument est fort, plus on l’entendra mieux, donc plus il sera défini.
 
Mais attention à ce genre de procédé car on augmente aussi les risques de masquage. Cela veut dire que le fait d’élever le niveau d’un instrument spécifique peut entraîner une perte de définition pour un autre.
Par exemple ici, si j’augmente la musique de fond par rapport à ma voix {SON}
On va très vite se retrouver avec ma voix beaucoup moins intelligible!
 
Pour un morceau de musique, c’est pareil. Il est souvent préférable d’ajuster par diminution plutôt que par augmentation du volume.
La définition d’un instrument est aussi une affaire de réglage de volume sur des bandes de fréquences spécifiques, donc en utilisant un EQ.
Par exemple, en augmentant le gain d’un instrument présentant des déficiences à certaines fréquences, il sera juste plus fort mais toujours autant mal défini.
Il existe beaucoup de stratégies en mixage, pas toujours celles qui viennent en premier, pour faire ressortir un élément sans forcément augmenter son volume.

Procédés d'ajustement des niveaux pour l'équilibre dynamique

Quels sont alors les procédés qui vont nous permettre d’ajuster les niveaux pour avoir le meilleur équilibre dynamique possible tout le long du morceau?

1) Lors de la performance

De nombreux instruments acoustiques ont une grande variété de possibilités expressives.
Et l’instrumentiste a généralement de nombreuses façons de faire pour que le son de l’instrument soit subtilement modifié tout au long d’une performance.
Si on considère le jeu du musicien à l’enregistrement, il se fera tout en nuance pour obtenir cette plage dynamique naturelle.
Par exemple, lors du refrain, il joue plus dur et fort alors que pour un couplet ou une section d’ambiance, le jeu sera plus doux. 
 
Pour les instruments électroniques (synthétiseurs, VSTi), ils sont encore plus polyvalents dans leur son.
De nombreux synthétiseurs ont des contrôles de performances en temps réel, notamment par la vélocité, des paramètres assignables, etc…

2) En phase de production et mixage du morceau dans le multi-pistes

a- Lors de la mise à plat avant mixage
Comme je l’ai dit précédemment, c’est important de bien positionner les faders de volume de toutes les pistes, le plus précisément possible.
 
L’équilibre ainsi trouvé représente l’ossature sur laquelle se reposer pour effectuer un bon mixage.
Et puis à ce stade, il faut savoir que même de subtils changements entraînent de grands effets sur le son global final.
b- Automation de volume (ou gain)
Ce qu’on appelle une automation, c’est le fait de faire varier un paramètre au cours du temps.
Dans le sujet qui nous intéresse ici, ce paramètre est le volume (ou le gain) de la piste.
 
Donc par exemple, pour en revenir aux différences de niveaux dans l’arrangement, si je veux passer le couplet à quelques dB en moins et le refrain un peu plus, je me met en mode automation sur la position de mon fader de volume, et je le bouge vers le haut ou le bas suivant le déroulé du morceau. Je peux faire cette même automation avec un plugin de gain à la place du fader si je ne veux pas bouger la position du fader.
 
Les options d’automation en volume sont innombrables: la grosse caisse, la caisse claire ou les voix peuvent être élevées pendant le refrain ou sur des temps forts particuliers; on pourrait réduire le niveau des réverbérations pour créer une ambiance plus feutrée et plus focus, etc, etc…

Macro VS Micro-dynamique de la musique

Jusqu’à présent, j’ai considéré le son dans sa globalité, c’est-à-dire:
 
—> soit au niveau du morceau dans son ensemble: à ce moment-là, c’est l’action de peaufiner le niveau sonore sur la piste Master, lors du Mastering.
—> soit au niveau de chaque piste prise individuellement et des niveaux relatifs entre elles.
 
On parle alors de macro-dynamique pour qualifier ces fluctuations de niveaux.
 
Mais un autre aspect très important concerne les changements de niveau perceptibles à un niveau d’échelle bien plus petit, dans les performances réelles de chaque instrument, au coeur du son. On parle alors de micro-dynamique.
 
Il faut le voir comme la possibilité de contrôler la forme dynamique de l’onde sonore, son enveloppe si ça te parle plus: on peut jusqu’à modifier complètement le timbre du son en modifiant son attaque, son niveau de Sustain, ou son Release. Je te renvoie à l’article sur l’enveloppe ADSR dans les synthétiseurs pour en savoir plus.
 
Pense par exemple à un coup de Kick ou de Snare, une percussion en général: sur la forme d’onde, il y a ce grand pic tout de suite, puis il chute rapidement (le « decay », le D de ADSR).
C’est ce qu’on appelle une transitoire (« transient »), à savoir le moment où l’amplitude change instantanément d’une valeur haute à très basse.
Et tu entendras ce terme utilisé partout. C’est un concept vraiment important.
Ta DAW analysent les transitoires, il y a des fonctions sur la forme d’onde pour passer de transitoire en transitoire, pour couper suivant les transitoires, etc..
Pourquoi est-ce aussi important de considérer le son au niveau micro-dynamique?
Je vais te le montrer à travers deux exemples audio.
 
1) En manipulant les transitoires et la dynamique sur une sorte de micro-échelle comme celle-ci, tu contrôles des aspects du son comme le punch ou l’impact.
 
Si je reprends le morceau Smells Like teen Spirit, écoute bien le Kick et tu remarqueras qu’il tape plus fort sur chaque premier temps: {MUSIC}
Cela peut très bien provenir de la performance du batteur, mais ça peut aussi avoir été décidé au mixage.
 
2) Le deuxième exemple, c’est pour répondre à un problème de fluctuation trop importante du niveau mais à l’échelle de la note, ou de la syllabe pour le chant.
 
En effet, une piste prise à l’état brut est rarement consistante en volume, surtout pour des prises de sons d’instruments acoustiques. 
Cela provient très souvent de la performance même du musicien. Il faut qu’il soit ultra expérimenté pour pouvoir jouer absolument toutes les notes, ou tous les coups de grosse caisse pour un batteur au même niveau par rapport au reste de la performance. Bien sûr c’est ce qui rend humain la performance et il faut garder cet aspect-là.
Mais si les fluctuations sont trop importantes, cela va poser problème quand il va falloir faire la mise au plat au mixage.
 
Et l’instrument le plus difficile à gérer par rapport à ce problème c’est bien la voix. Les chanteurs produisent rarement une performance en volume égal.
Ces variations de niveau, brusques ou progressives, rompent l’équilibre relatif d’un mixage.
 
L’exemple sonore du début est significatif: {MUSIC}
Malgré une tentative d’équilibrer les pistes, on entend bien que le niveau de la voix brute fluctue beaucoup pour se retrouver tantôt trop bas, tantôt trop fort.
 
Voici un autre exemple avec la voix laissée telle quelle: {MUSIC}
Et maintenant, la même voix avec une automation en volume, pour rendre la performance plus consistante: {MUSIC}
La différence est significative: en augmentant légèrement le volume au moment où la voix est trop basse et vice-versa, on arrive à rendre la voix beaucoup plus stable avec le reste de l’instrumentation.
Les traitements de la dynamique automatisés et la compression
Tu te doutes bien que ces automations nécessaires en volume à un niveau micro-dynamique vont devenir très laborieuses si on doit le faire manuellement sur tout un morceau!
 
C’est pour ça qu’il existe des outils de modification automatisée de la dynamique comme le compresseur, qui va se révéler fort utile pour ce genre de traitement.
Mais j’aurai l’occasion d’en parler de long en large et en travers dans de futurs articles.

Conclusion

On a vu qu’avec un bon musicien, une bonne mise à plat et quelques automations en volume bien senties, on peut déjà obtenir un équilibre dynamique très satisfaisant!
 
Entraîne-toi à le faire avant de penser à tout traitement avec des EQ ou autres compresseurs.
Sois toujours fidèle au contenu musical d’origine. Pense toujours à cela et à l’auditeur. Utilise la dynamique comme un moyen de faire voyager l’auditeur à travers le mixage, et fais-le se concentrer sur l’élément le plus important à tout moment.
 
Bien sûr, si tu veux régler par la suite la sonorité perçue des instruments de manière plus sophistiquée, le seul mouvement des faders ne suffira pas.
Il te faudra maîtriser la science des EQ et de la compression.
 
Je te rappelle que tu peux télécharger l’épisode du podcast correspondant à cet article en qualité audio optimale, non compressée (voir lien en début d’article).
 
Voilà, je te dis à très bientôt, d’ici là, bonne écoute et bonne prod!
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3 Replies to “Comment gérer l’équilibre dynamique de la musique?”

  1. Marc

    Merci pour les 2 ep du podcast que j’ai trouvé super, d’autres sont prévus pour la suite ?

    Répondre
    1. Arsonor

      Merci à toi, ça fait plaisir!
      Oui justement, un nouvel article arrive bientôt (enfin!) puis des épisodes d’un nouveau podcast sur le sound design.
      Patience 🙂

      Répondre
  2. Cosmic

    Un grand merci le partage. Ceci dit je n arrive absolument pas à re télécharger le livre avec les 50 tips. Pourrais tu m aider s il te plaît

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